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vendredi 15 juillet 2022

Le marketing vert et la protection des consommateurs


 Le marketing vert et la protection des consommateurs

JUILLET 2022

De nombreux consommateurs sont préoccupés par l’écologie et s’efforcent de limiter l’impact de leurs achats en choisissant des produits plus respectueux de l'environnement. Cependant, ce choix n’est pas facile face aux arguments écologiques utilisés sur le marché qui sont de plus en plus nombreux. Beaucoup d’allégations sont non fondées, mensongères, voire trompeuses et rendent difficile d’identifier les produits ou services présentant réellement des qualités environnementales.

La CLCV se mobilise pour faire face au « blanchiment écologique » ou « greenwashing » et protéger les consommateurs d’allégations pouvant les induire en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou service.


61% des consommateurs trouvent difficile de comprendre quels produits sont vraiment écologiques*

57% des consommateurs font attention aux allégations environnementales au moment de l’acte d’achat*

*Selon une enquête de la Commission européenne « Environmental claims for non-food products, study contracted by DG JUST (2014) »

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SOMMAIRE

       SOMMAIRE ...................................................................................................................................... 2

I. Allégations environnementales : de quoi parle-t-on ? .................................................................... 3

    1. Quelques exemples ..................................................................................................................... 4

II. Allégations environnementales : que dit la loi ? ........................................................................... 10

    1. L’interdiction des pratiques commerciales trompeuses et son application aux allégations environnementales ........................................................................................................................... 10

        • Le droit européen .................................................................................................................. 10

        • Le droit français ..................................................................................................................... 10

        • Les lignes directrices .............................................................................................................. 10

    2. L’encadrement spécifique de certaines allégations environnementales .................................. 11

        • La loi AGEC ............................................................................................................................. 11

        • L’interdiction de la mention « neutre en carbone » par la loi Climat et Résilience .............. 11

        • Proposition de révision de la directive de la Commission Européenne ................................ 12

        • L’obligation à venir d’étayer les allégations environnementales .......................................... 13

III. Les demandes et propositions de la CLCV ................................................................................. 13

    1. Pour ne pas tromper le consommateur : limiter les allégations environnementales sur les                         produits ...................................................................................................................................... 13

    2. Revenir aux fondamentaux du droit de la consommation ........................................................ 14

    3. Des produits vertueux accessibles ............................................................................................ 15

2

    I. Allégations environnementales : de quoi parle-t-on ?

Les allégations environnementales peuvent être présentes sur différents supports : affichages, brochures, publicités, étiquetages ou informations par voie dématérialisée. Ce sont des mentions déclaratives promouvant les qualités environnementales d’un bien ou d’un service et qui permettent de les distinguer et de les valoriser.

Les allégations peuvent également concerner les entreprises qui produisent le bien ou le service. Elles portent alors sur les activités et engagements de l’entreprise : réduction de la consommation d’énergie du site de production, des émissions de gaz à effet de serre, de l’usage des produits phytosanitaires, participation financière à un projet environnemental, …

Les guides et lignes directrices en la matière1 distinguent les arguments écologiques réels du « greenwashing ». Les premiers permettent de mettre en valeur les caractéristiques écologiques ou une démarche de développement durable d’un produit, d’un service ou d’une entreprise, d’orienter le consommateur dans ses choix, et de motiver les entreprises à améliorer leur offre. Par opposition, le greenwashing est une pratique consistant à utiliser l’argument écologique alors que l’intérêt du produit ou du service pour l’environnement est minime, voire inexistant, ou que la démarche de développement durable est inexistante ou très partielle. Le greenwashing utilise donc des allégations qui peuvent induire le consommateur en erreur sur la qualité écologique réelle du produit ou des engagements environnementaux d’une entreprise.

Si les allégations environnementales sont les plus nombreuses, il en existe aussi dans d’autres champs de la responsabilité sociale et sociétale : droits des salariés, bien-être animal, droits humains, etc.

Soulignons que ces allégations sont les enfants des démarches de responsabilité sociale et environnementale, initiées dans les années 2000, et qui ont connu un fort développement depuis dix ans. L’entreprise est priée voire tenue de mesurer son l’impact environnemental – social – sociétal - droits humains de son activité et de rendre public ces informations dans son rapport annuel (« reporting extra-financier »). Ayant agi en la matière, d’une façon pertinente ou non, elles sont ensuite tentées de communiquer sur ces actions auprès des consommateurs. Le greenwashing, c’est la volonté des entreprises de se montrer plus durable ou plus écologiques que ce qu’elles sont réellement.

La complexité des allégations environnementales

La publicité écologique présente une différence importante avec des allégations de qualité ou de santé. En effet, l’attribut écologique en soi n’apporte pas une utilité « directe » au consommateur comme peut l’apporter un attribut qualité (un produit alimentaire certifié Label Rouge par exemple) ou un attribut de santé (un produit alimentaire moins gras et donc moins mauvais pour la santé du consommateur par exemple). L’attribut écologique est censé avoir un impact positif pour le bien collectif qu’est l’environnement. Le consommateur ne peut donc pas attribuer une valeur à cet attribut écologique en fonction de sa satisfaction personnelle mais doit évaluer la contribution à un objectif d’intérêt général. Cette évaluation peut être complexe car technique et donc probablement hors de

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1 Voir notamment le guide « Anti Greenwashing » de l’Agence de la transition écologique (ADEME) (https://antigreenwashing.ademe.fr/sites/default/files/docs/ADEME_GREENWASHING_GUIDE.pdf) ainsi que les documents cités Section 3.

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portée de la quasi-totalité des consommateurs. Enfin, il faut parvenir à effectuer un lien entre l’objectif d’intérêt général et l’acte concret d’achat du produit ou service « vert », ce qui n’est pas simple.

        1. Quelques exemples

On retrouve les allégations environnementales dans toute forme de communication (publicité, emballage, spot télévisé…) destinée au grand public, aux consommateurs et autres usagers de services.

Parmi les allégations les plus utilisées, on retrouve les notions comme la « neutralité carbone », la « responsabilité », la « recyclabilité », les produits « bons pour la planète », …

Les exemples ci-dessous, qui sont non exhaustifs, illustrent ces allégations.

Des produits et services « neutres en carbone »


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Des entreprises et produits « responsables » ou « éco-responsables » :



Des produits « recyclables » ou « 100% recyclables »



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Des produits « bons pour la planète » ou « meilleurs pour la planète » :



En creusant sur le site des marques concernées, on trouve parfois un peu plus de détails sur la démarche environnementale de l’entreprise : réduction des émissions de CO2, utilisation d’énergie renouvelable, de matières recyclées, financement de projets de compensations carbone, … Mais toutes ces informations ne sont pas toujours disponibles sur le produit.

Au global, la CLCV considère que certaines allégations sont peu claires voire trompeuses pour le consommateur. Or, ces allégations environnementales sont, à l’instar de toute allégation, soumises au régime juridique de l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses (cf. section II). C’est pourquoi la CLCV a lancé plusieurs assignations en justice sur ce fondement. Nous détaillons dans ce dossier les actions en justice engagées contre les sociétés Nespresso et Volvic.

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Nespresso

Capsule « 100% recyclable »

Au regard des difficultés rencontrées par le système public de recyclage à traiter les petits aluminiums (aggravées dans le cas des capsules de café qui contiennent 90% de matière organique) et de l’accessibilité limitée du système privé de recyclage mis en place par Nespresso, la CLCV considère qu’une telle allégation est techniquement fausse. La CLCV estime également que ces allégations induisent les consommateurs en erreur sur l’impact environnemental des capsules en créant une confusion entre la recyclabilité théorique de l’aluminium et son recyclage effectif (de l’ordre de 48% seulement). Le reste de l’aluminium est éliminé par incinération ou enfouissement, ce qui génère d’importante quantité de gaz à effet de serre et pose des problèmes de dégradation d’aluminium.


Café « 100% neutre en carbone »


L’empreinte carbone de la production de café est particulièrement élevée et ne peut être « annulée » par la plantation d’arbre réalisée par Nespresso (cf. encart ci-dessous sur la compensation). La CLCV considère qu’il est donc scientifiquement faux d’affirmer que le café est « neutre en carbone ». Elle considère de plus que cette allégation est susceptible d’induire le consommateur en erreur en le portant à croire que le café de Nespresso aurait une empreinte environnementale nulle voire positive sans lui fournir des informations importantes pour l’éclairer sur le sens et la portée de ces allégations.

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Volvic

« 100% recyclable » et « 100% recyclée* »


La CLCV considère que les allégations « 100% recyclée » et « 100% recyclable » sont inexactes dès lors que l’étiquette et le bouchon ne sont pas composés de matière recyclée et ne sont pas toujours recyclables. La CLCV estime également que, lorsque ces allégations sont associées, elles sont susceptibles de conduire le consommateur à croire que le recyclage des bouteilles serait systématique, alors que près de la moitié des bouteilles en plastique n’est pas recyclée en France


* depuis l’assignation, il semblerait que les emballages aient évolués et ne mentionnent plus que l’allégation « 100% recyclée ».

« Neutre en carbone »

La production, la commercialisation et la consommation d’eau conditionnée en bouteille plastique ont un impact majeur sur l’environnement et le climat dans la mesure où elles génèrent des émissions de gaz à effet de serre très important que la compensation carbone ne permet pas d’annuler (voir encart ci-dessous). La CLCV estime donc qu’il est inexact d’affirmer qu’une bouteille d’eau minérale Volvic serait « neutre en carbone ». Elle considère que cette allégation induit le consommateur en erreur en le conduisant à penser qu’il y aurait des produits ou des activités sans impact et qu’on pourrait les consommer sans modération. Ce risque semble ici renforcé par les autres visuels et allégations présents sur les emballages, en particulier la référence à une certification.

Dans les deux cas, les entreprises ont recours à des mécanismes de « compensation carbone », notion technique et méconnue (cf. encart ci-dessous sur la compensation).

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Qu’est-ce que la compensation carbone ?

A côté de la compensation carbone des Etats prévue par le protocole de Kyoto, il existe un marché de la compensation carbone volontaire destiné à tous les acteurs (entreprises, collectivités publiques, etc.) qui souhaitent compenser leurs émissions de gaz à effet de serres. Le principe consiste à compenser ses propres émissions de CO2 par le financement de projets de réduction d’autres émissions ou de séquestration de carbone. Il peut s’agir de la plantation d’arbres ou de soutien à des projets de protection d’écosystèmes naturels, bien souvent dans les pays en voie de développement. Le recours à ce mécanisme par des entreprises soulève plusieurs difficultés :

1/ La neutralité carbone se définit selon le GIEC par le fait de séquestrer autant de gaz à effet de serre que nous en émettons, de manière à stabiliser leur niveau de concentration dans l’atmosphère et ainsi limiter l’augmentation de la température globale de la planète. Cette définition exclut en principe, une application de la neutralité carbone à une autre échelle et notamment au niveau d’un produit qui émet toujours des gaz à effet de serre durant sa production, son transport, etc. (voir en ce sens l’avis de l’ADEME sur la neutralité carbone2).

2/ La « compensation » permet en théorie aux entreprises de se contenter d’acheter des « crédits carbone »3 sans forcément élaborer de stratégie de réduction à la source des émissions de gaz à effet de serre. Or, la réduction des émissions est le levier prioritaire pour réduire les effets du réchauffement climatique et limiter la hausse de la concentration en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. La compensation ne peut jouer qu’un rôle subsidiaire.

3/L’efficacité de la compensation carbone sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas prouvée. Dans le cas de la plantation d’arbres en particulier, alors que les émissions de gaz à effet de serre générées par l’entreprise sont immédiates et permanentes, il faudra plusieurs décennies pour que le carbone soit absorbé au cours de la croissance de l’arbre, avec des risques qu’il soit relâché à cause de coupes ou d’incendies par exemple.

4/ Cette démarche volontaire n’est pas régulée et de nombreuses entreprises s’y engagent avec des niveaux d’engagements très variables. En France, la loi dite « Climat et Résilience » et l’un de ses décrets d’application impose dorénavant quelques critères minimums à respecter par les projets de compensation carbone4.

La compensation présente donc un potentiel élevé de pratique commerciale trompeuse : sa complexité, son caractère virtuel, sa fragilité rendent ce concept difficilement traduisible de façon loyale dans un message forcément très bref sur une étiquette, une affiche ou dans une publicité.

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2 ADEME, « Utilisation de l'argument de « neutralité carbone » dans les communications », Mai 2022 (https://librairie.ademe.fr/developpement-durable/5335-utilisation-de-l-argument-de-neutralite-carbone-dans-les-communications.html).

3 Les crédits carbone certifient qu’un projet est susceptible de réduire, séquestrer ou éviter des émissions de carbone. Tout acteur intéressé peut en faire l’acquisition pour ensuite se prévaloir, parfois de façon abusive, des bienfaits du projet.

4 Voir les articles L. 229-55, R. 229-102-1 et D. 229-109 du code de l’environnement.

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II. Allégations environnementales : que dit la loi ?

    1. L’interdiction des pratiques commerciales trompeuses et son application aux allégations                         environnementales

    • Le droit européen

La directive 2005/29/CE relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur est actuellement le principal texte européen encadrant les pratiques déloyales portant atteinte aux intérêts des consommateurs5.

    • Le droit français

La directive a été transposée en droit français aux articles L.121-1 et suivants du code de la consommation. L’article L. 121-2 du code de la consommation tel que modifié par la loi « Climat et Résilience » dispose :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : […]

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : […]

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, […] sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental […].

e) La portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale […] ».

L’applicabilité de la prohibition des pratiques commerciales trompeuses aux allégations environnementales a ainsi été consacrée, sachant qu’elle avait déjà été affirmée par plusieurs décisions de justice et par les lignes directrices guidant son interprétation.

    • Les lignes directrices

Plusieurs lignes directrices précisent l’application du droit des pratiques commerciales trompeuses aux allégations environnementales.

        -     Les orientations de la Commission européenne pour la mise en oeuvre de la directive                     2005/29/CE révisées en 20216. Ces orientations éclairent l’application de la directive en général             et, en particulier, sa mise en oeuvre en matière d’allégations environnementales. Elles consacrent           notamment certaines exigences fondamentales selon lesquelles « les allégations écologiques

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5 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1585324585932&uri=CELEX%3A02005L0029-20220528

6 Communication de la Commission — Orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (https://eurlex.europa.eu/legalcontent/FR/TXT/qid=1640961745514&uri=CELEX%3A52021XC1229%2805%29 ).

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doivent être véridiques, ne pas contenir d’informations fausses et être présentées de manière claire, spécifique, exacte et dénuée d’ambiguïté, afin de ne pas induire en erreur les consommateurs » (section 4.1.1.2).

        - En France, le Guide pratique des allégations environnementales définit les conditions                     d’emploi de 15 allégations environnementales les plus fréquemment employées sur les produits :         « durable », « naturel », …7 Son objectif est d’éclairer le consommateur dans ses choix grâce à             une information plus lisible et sincère. Une nouvelle version de ce guide sera publiée                             prochainement par le Conseil National de la Consommation regroupant les associations de                     consommateurs et les organisations professionnelles. Cette version prendra en compte les                     nouvelles obligations issues des lois AGEC et Climat et Résilience, comme l’interdiction de                 certaines mentions (« biodégradable », …) et intégrera les nouvelles allégations utilisées par les             professionnels (« reconditionné », « réparable », …).

        2. L’encadrement spécifique de certaines allégations environnementales

         La loi AGEC

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi « AGEC ») est venue renforcer l’information des consommateurs sur les caractéristiques environnementales de certains produits spécifiquement visés. L’article 13 et son décret d’application interdisent de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions « biodégradable », « respectueux de l’environnement » ou toute allégation environnementale équivalente. Ils rendent également obligatoire de préciser le pourcentage de matières recyclées effectivement incorporées lorsqu’il est fait mention du caractère recyclé d’un produit.

Le décret d’application autorise toutefois l’allégation « entièrement recyclable » si la matière recyclée produite par les processus de recyclage mis en oeuvre représente plus de 95% du déchet. La CLCV a milité pour la suppression de cette mention du décret, qui nous parait trompeuse compte tenu dès lors qu’elle ne reflète pas la quantité d’emballage effectivement recyclée.

    L’interdiction de la mention « neutre en carbone » par la loi Climat et Résilience

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et résilience ») a mis le greenwashing climatique au coeur du débat avec notamment l’article 12 qui prévoit l’interdiction d’affirmer qu’un produit ou service est « neutre en carbone » à moins de mettre à disposition du public :

« 1° Un bilan d'émissions de gaz à effet de serre intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou du service ;

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7 CNC, « Guide pratique des allégations environnementales à l’usage des professionnels et des consommateurs », 2014 (https://www.qwant.com/client=brzbrave&q=CNC%2C+%C2%AB+Guide+pratique+des+all%C3%A9gations+environnementales&t=web).

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2° La démarche grâce à laquelle les émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est décrite à l'aide d'objectifs de progrès annuels quantifiés ;

3° Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles respectant des standards minimaux définis par décret. »8

Les modalités de mise en oeuvre de cette mise à disposition ont été définis par le décret d’application n°2022-539 du 13 avril 2022, exigeant notamment la publication par l’annonceur sur son site internet ou son application mobile un rapport comprenant ces trois types d’information.

La CLCV juge que ces conditions laissent une marge de manoeuvre trop importante pour les entreprises. En effet, si l’allégation « neutre en carbone » est dorénavant encadrée, elle pourra continuée à être utilisée pour les produits de grande consommation polluants comme la viande bovine importée, l’essence, les vols en avion dès lors que l’entreprise recourt à des mécanismes de compensation carbone, sans avoir à changer ses pratiques ni réduire de façon significative son empreinte carbone. Quant aux consommateurs, ils seront portés à croire que les produits promus comme « neutres en carbone », sans autre précision, n’ont pas d’impact sur le climat.

    Proposition de révision de la directive de la Commission Européenne

Début 2021, la Commission Européenne a publié les résultats d’une enquête visant notamment à identifier les infractions au droit de l’Union Européenne en matière de protection des consommateurs et plus particulièrement les pratiques d’écoblanchiment. Dans le cadre de cette initiative, 344 allégations environnementales identifiées en 2020 sur les sites internet d’entreprises diverses (textiles, chaussures, cosmétiques, équipements ménagers, etc.) ont été analysées9. L’enquête a mis en avant que près de la moitié d’entre elles étaient susceptibles d’être qualifiées de pratiques commerciales déloyales au sens de la directive 2005/29/CE.

Les résultats de cette enquête ont servi de base à une proposition de directive de la Commission européenne présentée en mars 2022 qui a pour objectif de renforcer les informations fournies aux consommateurs lors de l’acte d’achat concernant la durabilité et la réparabilité des produits afin de leur donner les moyens d’agir en faveur de la transition écologique10. Cette proposition de directive amendée vient à son tour consacrer l’application de l’interdiction des pratiques trompeuses aux allégations environnementales.

Le projet de directive envisage également d’interdire les allégations dites « génériques », telles que « respectueux de l’environnement », « vert », ou « neutre en carbone », sauf si l’entreprise est capable de démontrer une performance environnementale excellente, reconnue et pertinente pour l’allégation ou si l’allégation est précisée par des termes clairs et visibles sur le même support. Appliquée à l’allégation « neutre en carbone », cette règle pourrait s’interpréter comme exigeant de faire figurer aux côtés de l’allégation une mention indiquant qu’elle repose sur la compensation carbone.

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8 Article L. 229-68 du code de l’environnement issu de l’article 12 de la loi Climat et Résilience.

9 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/api/files/document/print/fr/ip_21_269/IP_21_269_FR.pdf

10 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1649327162410&uri=CELEX%3A52022PC0143

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L’obligation à venir d’étayer les allégations environnementales

Une proposition de règlement sur l’obligation d’étayer les allégations relatives à la performance environnementale des produits et des entreprises a également été mise en consultation et son adoption par la Commission était attendue pour le 1er trimestre 202211. Cette initiative a pour objectif de s’assurer de la sincérité des allégations utilisées en obligeant les entreprises à utiliser des méthodes de quantification normalisées, et ainsi limiter le greenwashing.

La CLCV a été très déçue des décisions de l’Etat français qui a voté des mesures laissant la possibilité aux entreprises d’utiliser des allégations vertes parfois trompeuses. Au cours des derniers mois, nous avons protesté en vain auprès du Ministère de la Transition Ecologique afin de renforcer les textes réglementaires et mieux protéger les consommateurs des allégations trompeuses. L’approche de la Commission Européenne, telle qu’illustrée dans sa proposition de directive, nous parait beaucoup plus équilibrée, en permettant la mise en avant de démarches en faveur de la transition écologique tout en protégeant les consommateurs de pratiques trompeuses.

III. Les demandes et propositions de la CLCV

Les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact environnemental, social et sociétal de leurs choix. Leurs efforts font malheureusement face à une information peu fiable et une profusion d’allégations non fondées. Le système actuel ne les protège pas suffisamment des allégations vertes trompeuses. Selon une enquête de la Commission européenne12, 57% des consommateurs font attention aux allégations environnementales au moment de l’acte d’achat. Malheureusement, face à la profusion de telles allégations parfois trompeuses, 61% d’entre eux trouve difficile de comprendre quels produits sont vraiment écologiques.

        1. Pour ne pas tromper le consommateur : limiter les allégations environnementales sur les                         produits

La démarche d’entreprise appliquée au produit consiste à mettre en avant des démarches « vertes » effectuées par l’entreprise pour les transformer en allégation produit. Dans ce cas de figure, le lien peut être en réalité très faible entre les engagements environnementaux de l’activité et le caractère écologique de la consommation du produit. Le caractère « direct » du lien entre le produit et le progrès écologique doit être privilégié. Cela signifie qu’un produit (bien ou service) peut être présenté comme écologique si sa propre élaboration est effectivement plus respectueuse de l’environnement.

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11 « Performance environnementale des produits et des entreprises — obligation d’étayer les allégations » (https ://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12511-Performance-environnementale-des-produits-et-des-entreprises-obligation-detayer-les-allegations_fr).

12 Environmental claims for non-food products, study contracted by DG JUST (2014) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/study_on_environmetal_claims_for_non_food_products_2014_en.pdf

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Nous encourageons donc les entreprises à communiquer sur leurs démarches de progrès dans leur communication institutionnelle (sur les pages dédiées de leur site internet par exemple) plutôt que sous formes d’allégations concernant un produit ou un service afin d’en assurer leur promotion. Par ailleurs, nous considérons que toute allégation doit être clairement explicitée sur le même support en cohérence avec le projet de révision de la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyale. Ainsi, pour l’allégation « neutre en carbone », nous demandons aux pouvoirs publics de mieux réglementer sont utilisation et qu’elle soit systématiquement accompagnée d’une mention explicative : « Tout produit émet des gaz à effet de serre contribuant au changement climatique » et, à tout le moins, « Pour plus d’informations sur la compensation » renvoyant au site internet de l’entreprise.

        2. Revenir aux fondamentaux du droit de la consommation

Les textes législatifs et réglementaires qui encadrent l’utilisation des allégations environnementales ne protègent pas suffisamment les consommateurs des allégations trompeuses. Ces textes, qui partaient d’une bonne intention, ont été largement parasitées par les interventions du monde de l’entreprise. Par ailleurs, les acteurs publics de l’écologie, la CLCV peut en témoigner, ont aussi péché par une méconnaissance du droit de la consommation et du fonctionnement concret de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales. Il en résulte un cadre assez brouillon et peu lisible.

La CLCV juge notamment que ces textes contribuent à légaliser certaines allégations en définissant des critères peu contraignants. Ainsi, la réglementation en vigueur permet l’utilisation d’allégations moins-disantes que celles qui seraient autorisées par le Code de la consommation seul.

A l’inverse, s’il est essentiel d’informer le consommateur, trop d’allégations peuvent compromettre sa compréhension. Ainsi, l’obligation d’information du consommateur sur les caractéristiques environnementales des produits instauré dans le cadre de l’affichage environnemental prévu par la loi AGEC multiplie les mentions obligatoires, au risque de nuire à la lisibilité des informations 

Il est donc nécessaire de revenir aux fondamentaux du droit de la consommation pour fiabiliser les informations fournies aux consommateurs sur l’impact environnemental d’un produit ou service et mieux protéger les consommateurs contre les pratiques déloyales vis-à-vis des allégations environnementales trompeuses.

Nous pouvons faire le même constat avec les labels « verts ». La CLCV considère que la mise en place de labels ne doit pas avoir un effet contreproductif en légalisant le greenwashing, à l’image des garanties d’origine sur le marché de l’électricité.

En effet, de nombreux consommateurs se sont tournés vers des offres d’électricité « verte » en pensant qu’elle provenait à 100% d’énergies renouvelables (hydraulique et éolien) par opposition aux énergies fossiles et nucléaire. En réalité, les opérateurs d’offre « vertes » fournissent la même électricité que les opérateurs classiques, c’est-à-dire celle correspondant au mix énergétique français mêlant les sources nucléaires, fossiles et renouvelables. La différence réside dans l’achat de garanties d’origine (GO) à un coût relativement faible pour « compenser » la part non renouvelable d’électricité consommée par leurs clients. Ces GO sont des certificats électroniques octroyés à tout producteur d’électricité renouvelable non soutenu par l’État pour chaque unité d’électricité produite. Ces GO peuvent ensuite être revendus sur un marché parallèle à celui de l’électricité. En définitive, les offres

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vertes traduisent simplement le fait que le fournisseur d’électricité a acheté des GO correspondant au volume d’électricité vendue aux particuliers.

Ainsi, le consommateur qui souscrit ce type d’offre pense faire un geste spécifique pour l’écologie, ce qui n’est en réalité pas le cas. En effet, il consomme la même électricité que tout le monde et ne contribue pas substantiellement au financement de la production d’énergie renouvelable. Il peut même y avoir un effet contreproductif dans la mesure où cet achat d’électricité verte peut laisser penser au consommateur qu’il a « fait sa part » d’un point écologique et qu’il n’a donc pas besoin de réaliser des efforts autrement plus cruciaux en termes d’efficacité énergétique.

La CLCV demande donc la fin des garanties d’origine qui certifient les offres d’électricité « 100% verte » et laissent croire au consommateur qu’elle provient uniquement d’énergies renouvelables.

        3. Des produits vertueux accessibles

Afin d’encourager les consommateurs à porter leurs choix vers des produits vertueux et ainsi participer à la transition écologique, il est nécessaire que ces produits soient accessibles financièrement. Les politiques publiques doivent aller dans ce sens pour encourager la production de produits et services respectueux de l’environnement tout en veillant à ne pas encourager les allégations vertes susceptibles d’être trompeuses.


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Mieux protéger les consommateurs du greenwashing



 Communiqué de presse

1er juillet 2022


Mieux protéger les consommateurs du greenwashing

La CLCV se mobilise pour faire face au greenwashing et protéger les consommateurs d’allégations pouvant les induire en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou service.

De nombreux consommateurs sont préoccupés par l’écologie et s’efforcent de limiter l’impact de leurs achats en choisissant de biens produits dans le respect d’exigences environnementales plus élevées. Or, face aux nombreux arguments écologiques utilisés, le consommateur s’y perd. Beaucoup d’allégations sont non fondées, mensongères, voire trompeuses et rendent difficile l’identification des produits ou services présentant réellement des qualités environnementales.

Un cadre réglementaire brouillon et pas assez protecteur

En France, aucune réglementation n’encadrait spécifiquement l’utilisation des allégations environnementales jusqu’à la loi dite « AGEC » en 2020 puis la loi dite « Climat et Résilience » en 2021. Elles sont venues renforcer l’information des consommateurs sur les caractéristiques et impact environnementaux des produits. La première, en interdisant par exemple les mentions « biodégradable », « respectueux de l’environnement » ou toute allégation équivalente sur un produit ou un emballage. La seconde en interdisant notamment d’affirmer qu’un produit ou service est « neutre en carbone » à moins de respecter un certain nombre de critères. Ces initiatives législatives, qui partent d’une bonne intention, ont été largement parasitées par les interventions du monde de l’entreprise. Les acteurs publics de l’écologie, la CLCV peut en témoigner, ont aussi péché par une méconnaissance du droit de la consommation et du fonctionnement concret de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales. Il en résulte un cadre peu lisible.

La CLCV juge que ces textes contribuent à légaliser certaines allégations en définissant des critères peu contraignants. Ainsi, la réglementation en vigueur permet l’utilisation d’allégations moins-disantes que celles qui seraient autorisées par le droit commun de la consommation.

Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux du droit de la consommation pour fiabiliser les informations fournies aux consommateurs sur l’impact environnemental d’un produit ou service et mieux les protéger contre les pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations environnementales.

Des allégations environnementales à limiter

En achetant un produit estampillé vert, le consommateur doit avoir la garantie qu’il finance une action ayant une plus-value écologique additionnelle, c’est-à-dire qui n’existerait pas sans cet achat. « Bon pour la planète », « Eco-responsable », etc. Les allégations vertes sont nombreuses et le lien peut être très faible entre la consommation du produit et une plus-value écologique. Le caractère « direct » du lien entre le produit et le progrès écologique doit être privilégié. Nous encourageons les entreprises à expliquer leurs démarches environnementales dans le cadre de leur communication institutionnelle (sur les pages dédiées de leur site internet par exemple) plutôt que sous forme d’allégations apposées sur un produit ou un service.

La fin des garanties d’origine pour les offres d’électricité « verte »

De nombreux consommateurs se sont tournés vers des offres d’électricité « verte » en pensant qu’elle provenait à 100% d’énergies renouvelables et donc sans énergie fossile ou nucléaire. En réalité, les opérateurs d’offre « vertes » fournissent la même électricité que les opérateurs classiques. La différence réside seulement dans l’achat de certificats appelés « garanties d’origine » à un coût relativement faible pour « compenser » la part non renouvelable d’électricité consommée par leurs clients. La CLCV demande la fin des garanties d’origine qui certifient les offres d’électricité « 100% verte » et induisent les consommateurs en erreur en leur laissant penser qu’ils font un geste spécifique pour l’écologie, ce qui n’est, en réalité, pas le cas.